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Après les massacres, encore à propos de l’Islam et des Juifs

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A ceux qui rêvent du « choc des civilisations », les faits semblent donner corps à leur mystique. De la tuerie de l’Hyper Casher vendredi 9 janvier aux massacres de masse perpétrés au Nigéria par Boko Haram en passant par le génocide des Yézides en Irak, on peut facilement verser dans une « guerre des valeurs » fantasmée à grande échelle. Elle est alimentée par les majors de l’infotainment, qui voient là matière à sensations donc à bénéfices sonnants et trébuchants. C’est dans ces moments-là qu’il faut ralentir le cours de l’information et revenir à quelques fondamentaux, notamment les textes. Vues les dérives observées ça et là ces derniers jours, il m’a semblé utile de ressortir et de réactualiser une note que j’avais écrite en 2012 au lendemain des meurtres commis par Mohamed Merah.

Sur le trajet de la marche républicaine de Lyon

Il faut d’abord revenir à deux trois petites choses. En premier lieu, contrairement aux religions chrétiennes, il n’y a pas d’antijudaïsme théologique dans l’Islam. Chez les Chrétiens -enfin, une minorité aujourd’hui -, les Juifs seraient « coupables » d’avoir assassiné Jésus Christ. Au nom de ce « crime » supposé, les ghettos, les pogroms et les conversions forcées seront justifiées par les prêtres tout au long des siècles jusqu’à ce que la deuxième guerre mondiale et le massacre systématisé, industrialisé, méthodique des Juifs n’amènent les opinions publiques à s’émouvoir de ce que des individus soient détruits en raison de leur religion. Je passe rapidement sur le fait que les Européens de confession juive, « impurs » par essence, ne peuvent exercer des métiers nobles comme le travail de la terre qu’ils risqueraient de « souiller » ou le fait d’avoir des responsabilités dans la société. Ce qui les amènera à exercer, quand ils en ont les moyens (ce qui est le cas d’une toute petite minorité), le commerce de l’argent, puisque c’est aussi « impur » pour les Catholiques. Cette vision largement répandue de l’impureté originelle des israélites amènera, notamment en Pologne et en Ukraine, des bons catholiques à participer aux massacres de masse ordonnés par les troupes nazies.

Dans l’Islam, qui procède du même livre initial que Juifs et Chrétiens, il n’y a pas de chose semblable. Les hébraïques sont considérés comme le « peuple élu ». Il y a une certaine logique puisque l’Islma est la dernière née des religions dites « abrahamiques ». En ce sens, le Coran a un aspect forcément œcuménique par rapport à la Torah ou à la Bible… Fouillons un peu les textes, le Coran explique :

Ne discutez avec les gens du Livre (Juifs et Chrétiens) que de la manière la plus courtoise 

                          [Sourate 29, verset 46]

Il y a aussi ce hadith (les paroles du prophète Mahomet) rapporté par Mouslim :

Celui qui fait du mal à un juif ou à un chrétien m’aura en adversaire le jour du jugement.

Tout pourrait se résumer dans ce dernier hadith rapporté par Boukhari et Mouslim :

Le véritable croyant, c’est celui dont l’humanité n’a à craindre ni la langue, ni la main.

Petit quotidien musulmans et juifs

En fonction de ces écritures réputées saintes pour les croyants, dans les pays où la religion musulmane domine, les Juifs vivent certes dans des quartiers séparés. Nous sommes au Moyen-Âge n’est-ce pas. Mais ces quartiers ne sont pas enclos dans des murailles et il n’y a pas de couvre-feu ni de signe distinctif pour les israélites. En passant, c’est le très chrétien roi français Louis IX, dit « Saint-Louis », qui a créé l’ancêtre de l’étoile jaune… Mais revenons aux rapports entre musulmans et juifs sur la base de la théologie et à partir des faits historiques.

Quartiers séparés donc mais pas d’interdit professionnel. Au contraire même. Les principaux chefs politiques, quand ils sont de confession musulmane, s’entourent très volontiers de conseillers aux croyances différentes des leurs. Ce fait se vérifiera pendant des siècles, jusqu’à Hassan II qui, tout « commandeur des croyants » qu’il soit, choisira pendant un temps un premier ministre de confession hébraïque. Juste parce qu’il a les compétences adéquates. Je ne verserai pas l’angélisme jusqu’à dire qu’entre Juifs et Musulmans tout a toujours été au mieux dans le meilleur des mondes. Une religion monothéiste est, par essence, excluante, cherchant à prendre le pas sur les autres. C’est ainsi que le christianisme a éradiqué le paganisme en Europe ainsi qu’en Amérique du Sud puis a tenté de ce faire en Afrique.

juif-portant-la-rouelle

Aujourd’hui, on veut nous faire croire à un affrontement essentialiste entre Juifs et Musulmans, affrontement qui serait historique alors que je viens, brièvement, de montrer qu’il n’en est rien. Dans la sphère d’influence française, il y a une raison historique aux tensions entre personnes de confession juive et celles croyant en Allah. Elle a nom « décret Crémieux ». Ce décret, pris en 1870, accorde aux personnes de confession hébraïque vivant en Algérie la nationalité française. Les Musulmans, eux, se verront doter d’un « statut de l’indigène » qui a le mérite de les différencier des animaux, sauf à ce qu’ils fassent expressément la demande d’une nationalité française qui leur est rarement accordée. En tout état de cause, on parle là d’un acte politique, un décret pris par le gouvernement français, pour séparer deux populations qui vivaient selon les mêmes règles auparavant.

Dans le fond, il n’y a pas de conflit judéo-musulman et surtout pas sur des bases religieuses. Il n’y a pas plus de conflit entre Juifs et Arabes. Ce qui existe, depuis le début de 20e siècle, c’est un conflit territorial entre Israéliens et Palestiniens. C’est totalement différent. Et, dans ce drame du 21e siècle, la religion n’a valeur que d’alibi ou de cache-sexe. Comme je l’ai déjà écrit à l’été 2014 après les incidents dramatiques de Barbès et Sarcelles, la mise en exergue mensongère du caractère religieux que revêtirait ce conflit n’est que la traduction concrète de la confiscation du débat sur le conflit israélo-palestinien par les extrêmes des deux bords.

couple_mixte-juif-chrétien en Allemagne nazie

Enfin, je ne peux conclure dans parler des salafistes puisqu’il semble que l’à présent décédé tueur de l’Hyper Casher, Coulibaly, comme Mohamed Merah et Mehdi Nemmouche avant lui, se revendiquait de cette idéologie. Dire que le salafisme est un avatar de l’Islam, c’est aussi insultant que d’expliquer que Civitas représente une part des Catholiques ou le Ku-Klux Klan relève du protestantisme, en termes de croyance je veux dire. Le salafisme, comme l’intégrisme catholique ou les fondamentalistes juifs, n’a rien à voir avec les textes religieux, encore moins avec les croyants. Ce sont d’abord des politiques. Des personnes qui croient que la loi de leur Dieu, souvent vue de manière étroite, exclusive et dominatrice, doit s’appliquer à tous les êtres humains. Ils pensent que la loi pervertie qu’ils prêtent à leurs dieux doit devenir la loi de la cité, politique en grec ancien. J’ai esquissé, dans une note précédente, ce qui les caractérise plutôt comme une des facettes de l’extrême-droite moderne.

Parce que j’ai trop de respect pour celles et ceux qui croient, ne comptez pas sur moi pour les injurier en les réduisant au rang d’extrémistes quelle que soit la partie du Livre qu’ils revendiquent. Il convient en revanche, pour contrer ces politiques d’un genre nouveau, de saisir sur quel terreau – proprement politique – ils grandissent. Je vous renvoie à ma note sur les périphéries de la France pour avoir une première approche, même incomplète, de l’analyse de ce terreau ; puis à celle sur la réinclusion des quartiers populaires pour commencer à réfléchir aux réponses politiques que nous pourrions, ensemble, élaborer.

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Bonus vidéo : Tricky « My Palestine Girl (Feat. Blue Daisy) »


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